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UNE SOURCE D'ENERGIE REVOLUTIONNAIRE : LE REACTEUR THERMONUCLEAIRE
Notions : fusion nucléaire, confinement et critère de Lawson, contrôle du plasma. Pour rendre compte de la cohésion des noyaux atomiques, les physiciens durent introduire une nouvelle force attractive très intense mais n’agissant que sur de très courtes distances (de l’ordre des dimensions des noyaux atomiques). Cette interaction nouvelle fut baptisée interaction forte. Grâce à l’intervention de l’interaction forte, les protons et les neutrons coexistent dans les noyaux atomiques dans des états liés. L’énergie de liaison des nucléons (nom donné aux protons et aux neutrons) dans un noyau atomique est la résultante complexe des forces agissant entre eux. Cette complexité croît évidemment très vite avec le nombre de nucléons interagissant dans le noyau considéré. Il est cependant remarquable de constater que cette énergie de liaison suit une courbe assez régulière dont la forme – établie empiriquement à la suite de très nombreuses expériences – est donnée ci-dessous. Cette courbe montre que l’énergie de liaison des nucléons dans un noyau atomique croît d’abord avec leur nombre et atteint un maximum pour 56 nucléons, ce qui correspond au noyau de l’atome de fer. Au-delà, l’énergie de liaison des nucléons décroît. Le noyau de fer possède donc la plus forte énergie de liaison ce qui lui confère la plus grande stabilité nucléaire. Valeur de l'énergie de liaison par nucléon dans les noyaux atomiques en fonction du nombre de nucléons (courbe tracée à partir de la formule empirique de Bethe-Weizsäcker). Cette propriété remarquable du noyau de fer induit que :
D’autre part, la comparaison de la pente de la courbe dans la région des noyaux légers (région de la fusion) et dans celle des noyaux lourds (région de la fission) nous indique que la quantité d’énergie, par nucléon, libérée par les réactions de fusion est nettement plus importante que celle produite lors de la fission nucléaire. La fusion nucléaire - également appelée fusion thermonucléaire - pourrait donc constituer une source d’énergie considérable pour l’humanité. Cependant, la fusion nucléaire nécessite des conditions physiques extrêmes (de pression, de température et de densité de matière) qui n’existent pas sur Terre. Ces conditions se rencontrent dans le cœur des étoiles où la température atteint, comme c’est la cas avec le soleil, 15 millions °C et où la densité de matière avoisine 160 fois celle de l’eau soit 160 g.cm-3. A ce titre, les étoiles peuvent être considérées comme de gigantesques réacteurs nucléaires dans lesquels les noyaux légers fusionnent et les noyaux lourds fissionnent libérant ainsi de formidables quantités d’énergie sous forme de rayonnement. Regardons de plus près ce qui se passe dans le cas où un deuton (noyau constitué d’un proton et d’un neutron et noté D) et un triton (noyau constitué d’un proton et de deux neutrons et noté T) fusionnent. La réaction s’écrit : D + T -> He + neutron L’énergie libérée par cette réaction s’élève à 3,56 MeV. La production d’énergie des réactions de fusion nucléaire est considérable. Pour s’en convaincre il suffit de comparer la quantité d’énergie produite par un kilogramme de charbon, d’uranium et d’un mélange de deutérium et de tritium :
L’homme est déjà parvenu à déclencher la fusion thermonucléaire de noyaux d’hydrogène mais sans être capable d’en contrôler le déroulement ni d’en collecter l’énergie libérée. Ces réactions de fusion nucléaire sont réalisées dans de minuscules billes renfermant de l’hydrogène et qui sont très fortement comprimées par l’explosion d’une bombe atomique. L’ensemble du dispositif s’appelle une bombe H (ou bombe thermonucléaire). Ces « mini-soleils » très éphémères ne sont qu’un pâle et mortel reflet de ce que pourrait apporter à l’humanité la maîtrise de l’énergie thermonucléaire. Toute la difficulté de cette entreprise réside dans le contrôle du plasma très chaud et totalement ionisé qui en résulte. <- Confinement et critère de Lawson : Pour pouvoir générer de l’énergie dans un réacteur à fusion thermonucléaire, il faut tout d’abord déclencher la fusion des noyaux du combustible, puis entretenir les réactions suffisamment longtemps afin d’en récolter une quantité d’énergie appréciable. Ces deux conditions sont dans la pratique très difficiles à atteindre. Dans le cas de la bombe H, la fusion thermonucléaire a bien lieu mais toute l’énergie est libérée en une fraction de seconde ce qui ne permet pas son exploitation. Pour analyser le problème, considérons la fusion du deuton et du triton. Le deuton et le triton contiennent tous deux un proton. Il s’ensuit que pour provoquer leur fusion il est nécessaire de leur communiquer beaucoup d’énergie de manière à leur permettre de franchir la barrière coulombienne résultant de la répulsion électrostatique des deux protons. Si l’on traduit l’énergie nécessaire sous forme d’agitation thermique, la température minimale requise s’élève à environ 100 millions de Kelvin ! A cette température, le gaz de deutérium - tritium se trouve dans un état de plasma chaud. La fusion thermonucléaire contrôlée rencontre là sa première difficulté : il n’est pas facile de chauffer un gaz à une température si élevée. Mais il ne suffit pas de porter un mélange de deutérium-tritium à 100 millions K pour déclencher des réactions de fusion. Encore faut-il que la densité du plasma soit suffisamment grande pour que la probabilité de collision entre deutons et tritons ne soit pas négligeable. Enfin, pour qu’un réacteur à fusion thermonucléaire soit rentable son rendement énergétique doit être supérieur à un, c'est-à-dire que la quantité d’énergie produite soit supérieure à la quantité d’énergie apportée pour entretenir les réactions de fusion. Appelons PM la quantité totale d’énergie par seconde et par unité de volume nécessaire pour maintenir constante la température du plasma. On montre que cette puissance volumique est proportionnelle à l’énergie volumique Ep du plasma : On peut noter que le coefficient t possède les dimensions d’un temps (puissance = énergie / temps). A noter également qu’au bout d’une durée t la quantité d’énergie qu’il faut apporter au plasma pour le maintenir à la même température est précisément égale à EP. On appelle t le temps caractéristique de refroidissement du plasma ou encore temps de confinement du plasma. On montre alors que les conditions pour que la fusion thermonucléaire d’un plasma de deutérium-tritium soit économiquement viable (10% à 15% de l’énergie libérée par les réactions de fusion sont employés pour réchauffer le plasma) sont les suivantes :
Où n est la densité du plasma et T sa température. Ces conditions sont connues sous le nom de critères de Lawson. La première relation nous enseigne que pour bâtir un réacteur à fusion thermonucléaire il est possible de jouer sur deux paramètres : la durée pendant laquelle les réactions de fusion ont lieu (t) et la densité du plasma (n). Dans la pratique, les physiciens ont développé deux techniques très différentes de fusion thermonucléaire essayant chacune d’accroître la valeur de l’un de ces deux paramètres :
Les diverses méthodes de contrôle du plasma : Le confinement magnétique et le tokamak. L’objectif premier des tokamaks est de piéger un plasma chaud dans des champs magnétiques de façon à le maintenir le plus longtemps possible dans des conditions de confinement optimales c'est-à-dire à une densité et à une température assurant l’entretien des réactions de fusion thermonucléaire. Le principe est relativement simple mais la mise en œuvre est complexe. On fait circuler un plasma en confinant sa trajectoire dans un tore. Pour cela, on lui applique essentiellement deux champs (voir la figure suivante) :
Schéma de principe d’un tokamak. Les différentes bobines créent un champ vertical B v, un champ circulaire B f et un champ toroïdal B q qui maintiennent le courant de plasma I P dans un tore. Cette configuration des champs n’est efficace que si l’état cinématique du plasma remplit des conditions idéales qui ne sont jamais rencontrées dans la pratique. Il s’ensuit que les tokamaks ne sont pas des bouteilles magnétiques bien hermétiques ! Le réchauffement du plasma dans un tokamak est obtenu par plusieurs techniques :
Au terme du processus de chauffage, la température du plasma à l’intérieur d’un tokamak atteint les 200 millions K requis par les critères de Lawson. Les performances des tokamaks sont encore loin de celles que l’on attend d’un réacteur à fusion thermonucléaire commercial. A titre d’exemple, le JET (Joint European Torus), le tokamak le plus performant à ce jour, consomme 20 MW pour ne produire que 2 MW ! Quand bien même les tokamaks atteindraient le seuil critique fixé par les critères de Lawson, les chercheurs ne savent pas très bien comment exploiter l’énergie qu’ils délivreraient, autrement dit comment transformer ces bouteilles magnétiques en véritables générateurs d’électricité ! La communauté scientifique internationale a lancé depuis le début des années 1990 le projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) de réacteur thermonucléaire expérimental qui devrait préfigurer les centrales thermonucléaires du troisième millénaire. Le confinement inertielAlors que les tokamaks tentent d’allonger le temps de confinement du plasma, la technique du confinement inertiel s’attache plutôt à densifier le plasma de façon à accroître considérablement la quantité de réactions de fusion des noyaux de tritium et de deutérium. L’idée de base du confinement inertiel consiste à faire converger des faisceaux laser très puissants (ou des faisceaux de particules accélérées) vers une minuscule bille de verre contenant un mélange de deutérium et de tritium. L’impact des lasers sur la surface de la bille a pour effet de volatiliser violemment la couche superficielle de la capsule de verre. Par réaction, les couches intérieures sont fortement contractées au point de provoquer la fusion du deutérium et du tritium contenus dans la bille. La densité du plasma obtenue dans le cœur de la bille atteint les environs de 1030 particules par m3 - soit dix mille fois la densité du deutérium ou du tritium solides - pendant un temps très court de l’ordre de 100 picosecondes (10-10s). Principe du confinement inertiel.
La principale difficulté à laquelle s’est heurtée la technique du confinement inertiel a été la fabrication de lasers suffisamment puissants pour provoquer la fusion du gaz contenu dans les billes de verre. Aujourd’hui la technologie des lasers permet d’atteindre ce résultat, en revanche pour que l’énergie générée soit supérieure à celle qui est consommée par ces énormes lasers, il faudrait faire imploser au moins 10 billes par seconde. Or les lasers actuels ne permettent de procéder qu’à un maximum de 20 tirs par jour. On le voit, cette technique nécessite encore beaucoup de progrès avant de prétendre constituer la base d’un futur réacteur à fusion thermonucléaire. <- Historique Lors du Sommet de Genève en Novembre 1985, l'Union soviétique propose de construire la prochaine génération de tokamaks sur la base d'une collaboration intégrant les quatre partenaires majeurs du programme "fusion". En octobre 1986, les États-Unis, l'Europe et le Japon répondent favorablement à cette proposition. Le projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) est né et il regroupe sous les auspices de l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA ) quatre participants : les USA , le Japon, la Russie et l'Europe (à laquelle est associée le Canada). ITER est donc la première installation expérimentale conçue via une collaboration scientifique à l'échelle planétaire. La première phase d'études appelée CDA (Conceptuel Design Activities) a démarré en avril 1988 et s'est achevée en décembre 1990. La première phase de l'ingénierie détaillée (Engineering Design Activity - EDA - ) s'est achevée fin 1998. A cette date, et pour des raisons internes, les USA se sont retirés du projet. Les trois autres partenaires orientent alors leurs efforts vers la conception d'une installation ayant un coût et des objectifs réduits. La phase d'ingénierie détaillée de cette nouvelle version s'est achevée en juillet 2001. La phase suivante, ou phase de coordination des activités techniques (Co-ordinated Technical Activities - CTA), s'est achevée fin 2002. Elle avait pour objectifs de maintenir l'intégrité du projet, de préparer les procédures nécessaires pour la construction et l'exploitation en commun d'ITER, et de fournir un support technique aux représentants des partenaires chargés des négociations sur le site. Ces négociations quadripartites entre le Canada, l'Europe, le Japon et la Fédération de Russie vont déboucher sur la sélection d'un site mais aussi sur la définition des conditions de financement de la construction et sur les contours juridiques de la future entité légale qui aura en charge la réalisation et l'exploitation d'ITER. Les États-Unis et la Chine ont rejoint les négociations en janvier 2003. Choix d’un site Deux sites ont été retenus après les négociations : le site français de Cadarache, en Provence, à proximité des installations du CEA et du tokamak expérimental Tore Supra, et le site japonais de Rokkasho-Mura au nord de l'île Honshu, près de l'île d'Hokkaido. Des négociations sont en cours pour tenter de déterminer un emplacement définitif.
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